Le mois dernier, 5 hommes de la Nouvelle-Écosse ont risqué leur vie en venant en aide à une dame sérieusement blessée et prisonnière d’un véhicule en feu coincé à des arbres aux bordures de la route. Le véhicule piégé aurait pu exploser mais les hommes sont tout de même venus en aide et ont porté la dame hors du SUV et loin de l’explosion imminente. Nous ne connaissons pas les noms de ces hommes et la presse locale demande instamment si quelqu’un les connaissait pour pouvoir offrir à ces héros, la médaille de bravoure de la Nouvelle-Écosse.

Tout comme ces hommes-là, nous ne connaissons pas les noms des participants à la recherche qui sont aussi prêts à mettre de coté leur bien-être afin d’améliorer la santé des autres.

La société a traditionnellement fourni une certaine protection ou compensation pour ceux que l’on considère comme des héros : des individus qui assistent ceux qui sont blessés, malades ou en péril. Une protection et une compensation financière sont offertes aux vétérans, à la police, aux pompiers et aux professionnels de la santé. Une protection est aussi offerte pour la responsabilité civile et, dans certains cas, une indemnisation est donnée aux bons Samaritains, les héros de tous les jours qui risquent leur propre bien-être pour venir en aide à une personne en danger. Mais que faisons-nous des « héros de la médecine » qui consentent à participer à la recherche et pour qui nous leur devons en grande partie les découvertes des essais cliniques?

Il n’y a pas de programmes gouvernementaux qui offrent ou qui exigent une indemnisation aux blessures causées par la recherche

Les lois actuelles aux États-Unis et au Canada n’exigent pas que les participants à la recherche qui ont souffert de blessures causées par la recherche, reçoivent toute forme de compensation. Par exemple, les participants à la recherche ne répondent pas aux exigences d’un « sauveteur » sous la Loi visant à favoriser le civisme au Québec en vertu de laquelle les bons Samaritains reçoivent une compensation financière pour leurs préjudices personnels et matériels. Il n’y a pas non plus de régimes d’indemnisation pour les blessures des participants à la recherche équivalents à ceux que l’on trouve dans certains états des États-Unis et des provinces canadiennes pour les blessures endurées par les pompiers volontaires ou les travailleurs qui effectuent des actes de bravoure dans leur milieu de travail.

Cela veut dire que, les participants à la recherche qui sont blessés en prenant part à un essai clinique, ne bénéficient pas automatiquement d’un support financier. Les participants à la recherche devront donc s’appuyer sur leur assurance santé personnelle ou leurs plans de soins de santé provinciale pour assumer les coûts de leurs soins médicaux.

Des compensations volontaires pour les blessures reliées à la recherche existent

Certaines institutions de recherche, des agences de recherche et des compagnies pharmaceutiques offrent, sur une base volontaire, des compensations pour des blessures reliées à la recherche. Les modalités par lesquelles ces programmes de compensation volontaire sont offerts aux participants à la recherche, vont varier significativement. Alors que certains programmes vont offrir des soins gratuits et même couvrir les déboursés reliés aux blessures, certains vont seulement offrir des couvertures pour des soins non couverts par l’assurance santé personnelle du participant ou leur plan de soins de santé provinciale. Aucun des plans évalués au Canada et aux États-Unis ne va offrir une compensation financière pour des pertes salariales ou des invalidités de longue durée. Ainsi, les participants à la recherche n’ont comme seul recours le litige civil pour avoir accès à une pleine compensation pour des blessures causées par la recherche.

Le litige civil comme régime d’indemnisation

Le litige civil est, pour dire le moins, un régime d’indemnisation difficile pour les blessures liées à la recherche puisque les participants portent tout le fardeau de prouver que :

  1. Le chercheur ou le commanditaire avaient un certain devoir envers eux ;

  2. Si ce devoir existe, il a été violé par le chercheur ou le commanditaire ;

  3. La violation de cette obligation a causé la blessure ;

  4. Il n’y a pas aucune autre raison pour justifier cette violation.

Le fardeau de prouver les blessures reliées à la recherche est immense dû à la nature inhérente de la recherche clinique.

  1. Les procédures de recherche sont en général non thérapeutiques. Elles sont principalement conduites pour l’avancement de la science et non pour en vertu d’un cadre de soins;

  2. Les recherches comportent une grande proportion de risques imprévus ;

  3. La responsabilité de l’effort de la recherche est souvent partagée entre le commanditaire de la recherche, l’institution de recherche et le chercheur.

Qu’est-ce que le futur nous réserve pour l’indemnisation de ces « héros de la médecine » ?

Un consensus a été atteint parmi les pays impliqués dans la recherche, à l’exception de l’Amérique du Nord, formulant qu’une compensation pour les blessures causées par la recherche doit être assurée. Les pays de l’union européenne ainsi que plusieurs pays d’Amérique du Sud, d’Asie et d’Afrique, ont adopté différentes approches pour fournir des soins et des compensations aux participants à la recherche qui ont souffert des blessures en raison la recherche.

La dernière version de la Déclaration d’Helsinki, adoptée au mois d’octobre 2013, exige qu’ « une compensation et un traitement adéquats doivent être garantis pour les personnes qui auraient subi un préjudice en raison de leur participation à une recherche». La ligne directrice Les bonnes pratiques cliniques (ICH-BPC) adoptée par Santé Canada et plus tard intégrée au Règlement sur les aliments et drogues, indiquent que les essais cliniques doivent être conduits « conformément aux principes éthiques découlant de la Déclaration d’Helsinki». Ceci pourrait ouvrir la porte au développement de régimes de compensation aux blessures causées par la recherche au Canada tant au niveau institutionnel que gouvernemental.

Aux États-Unis, la Commission présidentielle pour l’étude des enjeux de bioéthique a recommandé en 2011 que le Département de la santé et des services sociaux étudie la question des blessures reliées aux recherches afin de déterminer s’il y a un besoin pour l’élaboration d’un système national de compensation ou de traitement pour les blessures reliées à la recherche. Il serait intéressant de voir quelle sera la conclusion du Département de la santé et des services sociaux.

Les points à retenir

  1. Il n’y a pas d’exigences ou de programmes gouvernementaux au Canada ou aux Etats-Unis pour que les participants à la recherche reçoivent une compensation pour les blessures reliées à la recherche ;

  1. Il y a un devoir éthique pour les commanditaires de la recherche, les institutions, et les chercheurs de fournir une compensation appropriée pour le traitement des participants à la recherche qui ont souffert de blessures reliées à la recherche ;

  1. Il est difficile de savoir si les commanditaires de la recherche, les institutions et les chercheurs ont une obligation légale de fournir une compensation au traitement des participants à la recherche qui ont souffert des blessures reliées à la recherche ;

  1. Dans le cadre du processus de consentement éclairé, les chercheurs doivent s’assurer que les participants à la recherche sont bien informés en ce qui a trait à la présence ou non de compensation en cas de blessure reliées à la recherche;

  1. Dans le cadre du processus de consentement éclairé, les chercheurs ne peuvent pas renoncer ou sembler renoncer les droits des participants à la recherche ou encore libérer le commanditaire, l’institution ou le chercheur de leur responsabilité en cas de négligence.

Référence:

Pour plus d’amples informations sur la compensation des participants à la recherche qui ont souffert des blessures reliées à la recherche, vous pouvez consulter la Commission présidentielle pour l’étude des enjeux de bioéthique des Etats-Unis, Compensation: Background, 22 septembre 2014, http://bioethics.gov/sites/default/files/Compensation%20background%209-18-2014%20FINAL.pdf

Martin Letendre
Martin Letendre

As President of Veritas IRB Inc., Martin is responsible for managing the business operations and for leading its Human Research Protection Program (HRPP). Martin is a member of the Quebec Bar and brings close to twenty years of experience in biotechnology law and research ethics. Martin was actively involved in the creation of an on-line tutorial for the institutional research ethics boards affiliated to the Quebec Ministry of Health. Martin also chaired the Research Integrity Committee of the Canadian Institutes of Health Research (CIHR) and was a member of Canada's federal research agencies' Panel on Responsible Conduct of Research (PRCR). Martin currently is a member of the Human Research Standards Organization (HRSO) board of directors and technical steering committee. Martin holds a Masters Degree in Law and Bioethics from McGill University, a LLB and a BA in philosophy from Université de Montréal.