Savez-vous ce que Voltaire et Stan Lee, le cocréateur de Spiderman ont en commun? Les deux ont été attribués la paternité de la citation : « un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ». Plusieurs significations de cette citation ont été utilisées en discutant les problèmes éthiques se rapportant à la recherche de la génétique.

La pharmacogénomique et la pharmacogénétique nous ont menés à de nouvelles approches dans la découverte des médicaments en identifiant de nouvelles cibles potentielles de ces médicaments tout en individualisant l’application de ces traitements médicamenteux. En effet, la pharmacogénétique nous a aidé à comprendre comment la génétique et le métabolisme d’un individu façonnent les réponses à un médicament qui s’avèrent parfois potentiellement négatives. La promesse de la pharmacogénétique se trouve dans son pouvoir de prédire les résultats d’un traitement en fonction du profil génétique d’une personne. Le potentiel prédictif de l’information génétique est intéressant non seulement pour la science mais aussi pour les tiers qui pourraient essayer d’accéder aux résultats de tests génétiques d’un individu quelconque, collectés à des fins de recherche par le biais de divers moyens. L’accès aux informations génétiques par des tiers pourrait causer aux participants à la recherche d’être victimes de discrimination.

Une réelle menace

L’intérêt des tiers à avoir accès aux informations génétiques d’un individu a été bien documenté et a été d’une préoccupation grandissante pour les législatures, les gouvernements, les agences de protection des consommateurs et les organisations des droits de l’Homme. Ces tiers peuvent inclure des membres de la famille, des assureurs vie et maladie, des employeurs et des compagnies privées. L’intérêt que portent ces tiers repose sur le potentiel qu’a cette information génétique de les aider dans leurs décisions au niveau de leurs soins de santé (famille), d’évaluer le risque d’un candidat (assureurs), de limiter les blessures dans un milieu de travail (employeurs) ou encore de développer de nouveaux produits (compagnies privées).

En réponse à l’intérêt que portent ces tiers, la question de la discrimination sur la base de l’information génétique est matière d’intérêt public. Pendant que plusieurs pays, incluant les États-Unis, ont limité, interdit ou introduit des moratoires sur l’utilisation de l’information génétique par des compagnies d’assurance et des employeurs, le Canada n’a toujours pas adopté une telle législation. Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada a toutefois demandé à l’industrie de l’assurance vie et maladie en juillet 2014 « à élargir la portée de son moratoire volontaire, qui exige présentement que ses membres s’abstiennent de demander aux proposants de subir des tests génétiques, pour également s’abstenir de demander accès aux résultats des tests génétiques déjà existants, et ce, jusqu’à ce que leur nécessité et leur efficacité puissent être clairement démontrées.»

La loi Genetic Information Nondiscrimination Act of 2008 (GINA) est une loi américaine qui a pour but de fournir une protection de base contre la discrimination par les assurances maladie et employeurs basés sur l’information génétique. Celle-ci limite également l’utilisation de l’information génétique par les assureurs maladie et les employeurs à des cas particuliers. Il est important de noter que GINA ne protège pas contre les discriminations en ce qui a trait à l’assurance vie, l’assurance invalidité ou l’assurance de soins de longue durée. Toutefois, certains états vont fournir des protections supplémentaires contre la discrimination génétique qui peuvent couvrir l’assurance vie, l’assurance invalidité ou l’assurance de soins de longue durée.

Alors que les débats quant à savoir s’il y a eu des cas documentés de discrimination génétique sont toujours en cours, plusieurs études empiriques ont démontré que la crainte de la discrimination génétique pourrait affecter le consentement d’un participant à la recherche génétique. Les chercheurs devraient aborder cette question lorsqu’elle sollicite la participation à  la recherche pharmacogénétique.

Divulgation des risques socio-économiques de la recherche pharmacogénétique

En tant que chercheur ou promoteur de la recherche, vous avez la responsabilité  de divulguer tous les risques raisonnablement prévisibles et associés à la recherche. Cette obligation n’est pas limitée au risque physique et inclus des risques sociaux, économiques et psychologiques.

Bien qu’il n’y ait pas de critères très clairs ou des preuves sur la manière dont les résultats de la recherche génétique peuvent avoir une utilité pour la souscription d’assurance ou l’évaluation des capacités de travail, il est probable que les participants à la recherche ne soient pas informés qu’ils peuvent avoir à divulguer à leur assureur ou à leur employeur leurs résultats de recherche ou leur participation à la recherche génétique. Par conséquent, jusqu’à ce que les intervenants canadiens ou américains aillent adopter des lois, des politiques ou des moratoires exhaustifs limitant l’utilisation des résultats de la recherche génétique, l’utilisation potentielle de ces résultats par des tiers comme les assureurs ou les employeurs, doit être présentée comme un risque socio-économique raisonnablement prévisible de la recherche génétique. L’Office for Human Research Protections (OHRP) américain et le Groupe consultatif interagences en éthique de la recherche (GER) ont fournis des lignes directrices à cet effet.

Qu’est-ce que nous réserve l’avenir ?

Nous pouvons nous attendre à ce que la génétique et la pharmacogénétique dans l’avenir feront de plus en plus partie de nos stratégies en matière de soins de santé et que l’information génétique aura un impact  sur nos propres décisions médicales. Il n’y a pas de limites à ce que la recherche génétique pourrait créer comme possibilités pour améliorer la santé. Toutefois, le pouvoir prédictif de la génétique entraîne de grandes responsabilités en ce qui concerne la manière dont l’information génétique est consultée et traitée. Nous avons urgemment besoin d’un acte politique pour que les personnes aient le niveau de confiance nécessaire pour partager leurs informations personnelles. Il a été mentionné dans un récent article que si les participants à la recherche étaient pour arrêter subitement de participer à des projets de recherche en génétique afin d’éviter tout impact négatif sur leur assurabilité ou leur emploi, ceci pourrait potentiellement étouffer la recherche et l’innovation.

Martin Letendre
Martin Letendre

As President of Veritas IRB Inc., Martin is responsible for managing the business operations and for leading its Human Research Protection Program (HRPP). Martin is a member of the Quebec Bar and brings close to twenty years of experience in biotechnology law and research ethics. Martin was actively involved in the creation of an on-line tutorial for the institutional research ethics boards affiliated to the Quebec Ministry of Health. Martin also chaired the Research Integrity Committee of the Canadian Institutes of Health Research (CIHR) and was a member of Canada's federal research agencies' Panel on Responsible Conduct of Research (PRCR). Martin currently is a member of the Human Research Standards Organization (HRSO) board of directors and technical steering committee. Martin holds a Masters Degree in Law and Bioethics from McGill University, a LLB and a BA in philosophy from Université de Montréal.